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Réunion du 18 octobre 2012 rééquilibrage thermohydraulique

Rubrique : Comptes-rendus des réunions, Réunions techniques

       Pierre FRIDMANN                                             AICVF   BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

Ingénieur thermicien CNAM                                              Réunion du 18 octobre 2012

 

Résumé des principaux thèmes abordés dans le cadre du rééquilibrage thermohydraulique des installations de chauffage

 

 

Introduction

Diminuer la consommation en énergie des installations et améliorer le confort des occupants sont les deux objectifs du rééquilibrage thermohydraulique. Comme le parc existant des installations susceptibles de faire l’objet d’un rééquilibrage est très important l’enjeu économique au niveau national mérite bien que l’on approfondisse quelque peu les conditions de mise en œuvre des techniques correspondantes.

Mais avant de procéder, d’une façon ou d’une autre, au rééquilibrage d’une installation, encore faut-il préalablement avoir identifier précisément les causes du déséquilibre afin de déterminer la nature et l’ampleur des études et travaux à réaliser.

Or contrairement aux différentes procédures de rééquilibrage connues, codifiées  et largement diffusées notamment par les fabricants d’organes d’équilibrage, le diagnostic préalable constitue encore le parent pauvre de la thermohydraulique appliquée aux installations de chauffage.

Les Maîtres d’ouvrages, mais aussi les Installateurs et Sociétés de Maintenance, souhaitent, avant d’entreprendre des travaux, pouvoir apprécier le niveau d’économie d’énergie entraîné par le rééquilibrage et le montant, même approximatif, des investissements correspondants (études, remplacement éventuel et/ou adjonctions de matériels, réglages, contrôles).

Si l’idée d’un rééquilibrage s’impose dès lors que les occupants  d’un immeuble  constatent des écarts de température intérieure, on ne sait pas pour autant ce qu’il convient de faire pour les éliminer, même si ces écarts sont relativement importants, et l’on ignore a priori les conséquences financières et économiques correspondantes.

En effet le déséquilibre thermique des locaux peut avoir des causes multiples et concomitantes, et c’est uniquement une analyse thermohydraulique bien conduite qui permettra de dire si le déséquilibre hydraulique des circuits et des émetteurs en est la cause principale. Car il ne faut pas oublier que le rééquilibrage est généralement interprété comme une simple opération de réglage des débits à l’aide d’organes d’équilibrage et le plus souvent limitée aux seules colonnes verticales de distribution. La réalité est parfois beaucoup plus complexe…

1 Le contrôle des températures intérieures

Lorsque les occupants d’un immeuble constatent des écarts de température intérieure supérieurs à 2K entre locaux d’un même logement ou entre différents logements il y a un déséquilibre thermique souvent à l’origine d’une situation conflictuelle avec le gestionnaire, encore aggravée si certains logements sont insuffisamment chauffés.

Un contrôle des températures intérieures peut alors être envisagé pour mieux apprécier l’amplitude des écarts et repérer les locaux insuffisamment chauffés. Ce contrôle peut être effectué par un professionnel averti, en pleine période hivernale, lorsque la température extérieure n’excède pas +5°C et pendant une séquence climatique non ensoleillée et non ventée.

Ce contrôle, réalisé dans un nombre limité de logements, permet d’apprécier l’importance du déséquilibre mais il ne permet pas à lui seul de préjuger de la nature des études et/ou des travaux à réaliser pour rééquilibrer l’installation et encore moins du niveau d’économie d’énergie envisageable.

Si l’on tient à évaluer tout de même ce niveau d’économie il faut alors effectuer des mesures dans un nombre suffisant de logements (au moins une trentaine) choisis au hasard, afin de déterminer la température moyenne de l’immeuble avec une précision acceptable. Mais là encore cette opération , qu’il est souvent préférable de réaliser à l’aide d’enregistreurs, ne permet pas d’établir un diagnostic détaillé indispensable pour définir ce qu’il convient de faire pour uniformiser la température intérieure de l’immeuble.

2 Les causes du déséquilibre thermique

On ne s’intéresse pas ici aux causes temporaires de déséquilibre liées par exemples aux apports calorifiques par ensoleillement ou aux effets d’un vent fort sur une façade plus ou moins bien étanche à l’air. On ne s’intéresse pas non plus aux déséquilibres provoqués par l’embouage de certains circuits ou par une purge d’air insuffisante. Ces deux sources de déséquilibre relèvent de la maintenance normale des installations.

Les causes permanentes de déséquilibre sont relativement nombreuses et peuvent cumuler leurs effets ce qui complique naturellement le diagnostic :

  • Déperditions calorifiques sous ou surestimées
  • Radiateurs mal dimensionnés
  • Circuits de distribution non isolés ou insuffisamment isolés
  • Absence d’organes d’équilibrage des radiateurs et/ou des colonnes
  • Absence de réglage ou mauvais réglage des organes d’équilibrage existants
  • Non prises en compte des effets perturbateurs de l’effet thermosiphon notamment dans les immeubles de grande hauteur

Ces quatre dernières causes de déséquilibre entraînent une mauvaise répartition des débits à l’origine d’un fonctionnement des radiateurs non conforme aux calculs d’exécution.

C’est cette mauvaise répartition des débits qui est le plus souvent la cause principale du déséquilibre thermique.

3 La mesure compensatoire

Un immeuble déséquilibré sur le plan thermique comporte des locaux surchauffés et d’autres insuffisamment chauffés. Contrairement à ce qui se dit assez souvent, une telle situation entraîne une consommation en énergie du même ordre de grandeur que celle correspondant à l’équilibre. Dans ces conditions rééquilibrer l’installation pour assurer le confort des occupants n’entraîne généralement pas d’augmentation de la consommation. Mais lorsque la température des locaux insuffisamment chauffés  est inacceptable et source de conflit, il n’est pas rare que la société de maintenance, en l’attente d’une véritable analyse des problèmes et souvent dans l’urgence, augmente la température de l’eau en sortie de chaufferie ou de sous-station pour chauffer malgré tout, à peu près correctement, les locaux défavorisés. Cette mesure compensatoire augmente la température moyenne de l’immeuble et entraîne une surconsommation énergétique relativement importante. Cette fois le rééquilibrage de l’installation, qui doit toujours s’accompagner d’un nouveau réglage de la température de l’eau, conduit à une diminution significative de la consommation en énergie tout en assurant un meilleur confort pour les occupants.

4 Le déséquilibre hydraulique

L’absence d’organes d’équilibrage ou le mauvais réglage des organes existants entraînent ce qu’il est convenu d’appeler le « déséquilibre hydraulique ». Celui-ci est caractérisé par des circuits suralimentés et d’autres sous-alimentés.

On distingue deux types de déséquilibre :

Ø  Le déséquilibre horizontal lequel concerne les colonnes de distribution. Celles-ci sont généralement équipées de vannes d’équilibrage très souvent non réglées ou mal réglées. Les colonnes proches de la pompe sont alors suralimentées tandis que celles les plus éloignées ont un débit insuffisant.

Cette situation est très fréquente et peut être rapidement confirmée (examen visuel des positions de réglage des vannes d’équilibrage et/ou mesure de quelques débits).

Ø  Le déséquilibre vertical lequel concerne les radiateurs desservis par une même colonne. C’est une situation un peu moins fréquente que la précédente et surtout nettement plus difficile à diagnostiquer. Elle peut être mise en évidence en effectuant des mesures de température intérieure dans les locaux des différents niveaux. Mais le déséquilibre thermique vertical peut être aussi avoir pour cause principale (ou secondaire) un mauvais dimensionnement des émetteurs ou un calcul erroné des déperditions calorifique des locaux ou encore une chute de température dans la colonne non prise en compte dans les calculs dimensionnels..

On peut aussi diagnostiquer ce déséquilibre en effectuant une analyse thermohydraulique complète de la colonne concernée.

5 Les outils du diagnostic préalable

Avant d’engager des travaux de rééquilibrage hydraulique mieux vaut être sûr que le déséquilibre hydraulique est bien la cause principale du déséquilibre thermique. Et si ce n’est pas le cas la nature des travaux à réaliser doit être de toute façon clairement définie de manière à permettre au Maître d’Ouvrage d’apprécier avec une précision suffisante les investissements nécessaires et les économies d’énergie potentielles.

Dans le cas où l’hydraulique est seule en cause il convient de bien distinguer ce qui revient aux déséquilibres horizontal et vertical car le coût d’une opération de rééquilibrage n’est pas du tout le même selon qu’il s’agit de rééquilibrer les colonnes et/ou les radiateurs.

            5.1 L’équilibre thermohydraulique d’un ensemble « local-émetteur »

La premier outil d’analyse est celui concernant simplement l’équilibre thermohydraulique d’un ensemble « local-émetteur » afin de pouvoir déterminer aussi bien l’impact d’une erreur de dimensionnement du radiateur que l’incidence d’une insuffisance ou d’un excès de débit. Cet équilibre doit être bien évidemment calculé en tenant compte de tous les paramètres d’interférence.

            5.2 L’équilibre thermohydraulique d’une colonne

Lorsque l’on souhaite déterminer l’amplitude du déséquilibre vertical il faut pouvoir analyser le fonctionnement global d’une colonne en tenant compte du dimensionnent réel des radiateurs existants, des diamètres de la colonne aux différents niveaux de l’immeuble, des caractéristiques hydrauliques des circuits de raccordement des radiateurs à la colonne (tuyauterie, robinet de réglage ou de régulation, organe d’équilibrage,….), des chutes de température le long de la colonne « aller » et des pressions motrices additionnelles dues au thermosiphon.

            5.3 L’analyse hydraulique des circuits de distribution horizontaux

Lorsque l’on cherche à déterminer le déséquilibre horizontal d’une installation à partir de la seule analyse hydraulique des circuits horizontaux de distribution (méthode HTE), et en l’absence de toute mesure de température intérieure, il faut pouvoir disposer d’un logiciel de calcul simple et performant des pertes de pression dans les tuyauteries.

Le calcul de la perte de pression totale du circuit principal horizontal permet de déterminer précisément l’autorité hydraulique de la colonne défavorisée dont dépend la « capacité de déséquilibre hydraulique» de l’installation. C’est le premier pas vers une évaluation possible du potentiel d’économie d’énergie entraîné par le rééquilibrage hydraulique des colonnes.

6 Les organes d’équilibrage

Les organes d’équilibrage sont des organes de réglage du débit dédiés à l’équilibrage des circuits et des émetteurs. Ils  sont caractérisés par plusieurs paramètres :

  • Le diamètre.  Nous le citons en premier mais c’est le moins important !
  • Le coefficient KVs . Ce coefficient caractérise la « capacité de débit » de l’organe d’équilibrage. Il est numériquement égal au débit, exprimé en m3/h, qui traverse l’organe d’équilibrage sous une différence de pression de 1 bar. Tous les fabricants donnent la valeur de ce coefficient pour chaque organe d’équilibrage (tableau, diagramme, ou formule)
  • Le nombre de position de réglage significativement distinctes. Pour les organes d’équilibrage équipés d’un volant numérique ce nombre est souvent proche de la quarantaine. Pour les autres on estime généralement que le réglage peut être valablement effectués par quarts de tour successifs ce qui, bien entendu, conduit à un nombre de positions nettement inférieur.
  • La courbe de variation du coefficient KV en fonction de la position de réglage. Cette courbe (ou le tableau correspondant ou une formule mathématique) est indispensable puisqu’elle permet de déterminer la position de réglage permettant d’obtenir un coefficient KV égal au coefficient KV requis issu des calculs hydraulique de l’installation. C’est cette égalité qui garantit finalement l’équilibrage hydraulique recherché.

Lorsqu’il est nécessaire de remplacer des organes d’équilibrage existants non opérationnels ou d’installer en complément de nouveaux organes d’équilibrage, il est fortement conseillé de choisir ces appareils en fonctions des paramètres précités et non exclusivement en fonction du diamètre des tuyauteries sur lesquelles ils doivent être installés.

A noter que les organes d’équilibrage disposent, dans leur grande majorité, de prises de pression permettant de mesurer le débit (indirectement) à l’aide d’un manomètre différentiel. Les fabricants ont développé des manomètres différentiels électroniques à microprocesseur, souvent appelés « mesureurs », lesquels simplifient grandement les mesures ainsi que la mise en œuvre des procédures de réglage débitmétriques.

7 Les différentes procédures de rééquilibrage

Elles se divisent en trois grandes familles :

·         La procédure fondée sur un calcul thermohydraulique complet de l’installation (incluant si nécessaire le calcul des besoins de chaleur des locaux) afin de déterminer précisément le débit à obtenir au pied de chaque colonne et dans certains cas à l’entrée de chaque radiateur, les pertes de pression à créer par les organes d’équilibrage et la position de réglage de chacun d’entre eux.

Cette procédure est applicable quelle que soit la structure du réseau de distribution, mais il faut pouvoir disposer pour sa mise en œuvre du schéma renseigné des circuits (longueurs et diamètres des tronçons, identification des organes d’équilibrage existants,…) ce qui implique souvent de procéder à un relevé in situ de l’installation (car les plans sont rarement disponibles!).

·         Les procédures exclusivement débitmétriques qui se divise en deux sous-familles :

            -les procédures référencées ou proportionnelles fondées sur la            mesure des débits en prenant pour référence le débit obtenu dans la             colonne ou l’émetteur le plus défavorisé. Plusieurs variantes ont été    mises au point exigeant selon les cas des moyens plus ou moins             importants (de 1 à 3 opérateurs, de 1 à 2 mesureurs électroniques, des dispositifs de communication)

            -les procédures fondées sur la modélisation qui simplifient largement             la mise en œuvre notamment dans le cas ou un seul opérateur          effectue les réglages.

Ces procédures ne sont utilisables que dans la mesure ou le réseau de distribution est de type ramifié et structuré en « modules d’équilibrage».

Par ailleurs ces procédures impliquent toutes des connexions successives du mesureur électronique sur les prises de pression des vannes d’équilibrage ce qui n’est pas toujours sans poser de problèmes…  

·         La procédure fondée sur la mesure des températures de retour. On fait l’hypothèse que l’équilibre thermohydraulique des colonnes de distribution doit se traduire par une même température de retour. Si l’idée semble bien représenter la réalité dans de nombreux cas, la mise en œuvre, elle, n’est pas toujours aussi simple       qu’il peut paraître…

Ainsi le metteur au point dispose maintenant de nombreuses procédures d’équilibrage. A lui de choisir celle la mieux adaptée à l’installation, au niveau de déséquilibre constaté, à ses compétences et au budget alloué pour mener à bien l’opération.

8 Les opérations de contrôle

L’opération de contrôle consiste à s’assurer de la réalité de l’équilibrage thermohydraulique.

On peut pour cela choisir entre différentes méthodes :

·         La première consiste à mesurer quelques températures intérieures pour contrôler l’amplitude des écarts et s’assurer qu’ils sont bien inférieurs à ce qu’ils étaient avant l’opération de rééquilibrage.

Difficultés :

1°) il vaut mieux effectuer les mesures de température dans les locaux déjà contrôlés avant l’opération d’équilibrage. Pour être représentatives ces mesures doivent être en nombre suffisant…

2°) il vaut mieux effectuer les mesures lorsque la température extérieure est suffisamment faible, pendant une séquence climatique non ensoleillée et non ventée.

·         La seconde consiste à mesurer exclusivement les débits dans un nombre suffisant d’organes d’équilibrage et à comparer les valeurs obtenues à celles issues de mesures préalables à l’opération de rééquilibrage ou encore à celles issues des calculs.

·         La troisième consiste à comparer les consommations avant et après le rééquilibrage. Il faut dans ce cas disposer d’un dispositif de comptage (plus ou moins simple selon la nature du combustible) et corriger les consommations en fonction des conditions climatiques.

Mais quelle que soit le méthode retenue il faut toujours contrôler le réglage de la loi de régulation centrale de la température de l’eau au départ de l’installation. Le rééquilibrage n’est valorisé, en termes d’économie d’énergie, que dans la mesure où l’on a pu abaisser au maximum la température de l’eau tout en assurant la température intérieure de confort dans l’ensemble des locaux de l’immeuble.